Notre rapport complet sur la surveillance au Canada est disponible. Téléchargez-le ici.
Vivre à nu : la surveillance au Canada expose neuf grandes tendances qui sont observées dans le traitement des renseignements personnels partout dans le monde. Ces tendances touchent tous les Canadiens, mais peu d’entre eux savent comment, quand et à quelles fins leurs données personnelles sont utilisées par les grandes organisations et quelles sont les conséquences de cette utilisation. Voilà pourquoi cet ouvrage, accompagné d’un projet web, est intitulé Vivre à nu. Il démontre que nos vies sont plus que jamais ouvertes et visibles pour les organisations et que cette visibilité a de réels effets sur chaque sphère de notre vie, que nous soyons citoyens, consommateurs, travailleurs ou voyageurs. Le sous-titre de l’ouvrage traduit bien cette évolution : La surveillance au Canada. Par « surveillance », nous entendons toute approche systématique axée sur les renseignements personnels qui vise à influencer, à gérer, à autoriser ou à contrôler les personnes dont l’information est recueillie. Que nous obtenions des soins de santé dans une clinique, que nous utilisions une carte de fidélité dans un magasin, que nous accomplissions nos tâches quotidiennes au travail, que nous vérifiions nos messages sur un téléphone intelligent ou que nous fassions la file à la sécurité pour embarquer dans un avion, nos données sont glanées, stockées, classées, transmises ou même vendues à des tiers de manière à orienter nos achats ou nos choix, à retarder notre départ ou à faire en sorte que nous soyons traités de façon juste ou injuste, récompensés ou punis pour notre comportement.
Plus les organisations prennent le virage numérique, plus ils souhaitent obtenir nos données personnelles pour augmenter leur efficacité, leur productivité, leur supervision et leur contrôle. Les organisations se rendent rapidement compte que leurs initiatives numériques leur permettent d’économiser de l’argent ou d’attirer plus de clients; ils commencent alors à utiliser davantage les nouvelles technologies et techniques pour cibler des groupes précis de personnes auxquels ils réservent un traitement différent. À titre d’exemple, les cartes de fidélité récompensent les clients fidèles, les prestations d’aide sociale sont ciblées avec précision, la lentille des caméras dans la rue montre de façon disproportionnée les jeunes et les minorités en milieu urbain et une personne qui veut prendre un café peut rapidement trouver le Starbucks le plus proche.
Dans les exemples de tendances de surveillance trouvés ci-dessous – comme dans ceux présentés tout au long de ce livre et de ce projet web –, la surveillance est perçue comme un outil organisationnel qui entraîne des conséquences ambiguës. Elle n’est ni bonne, ni mauvaise, ni utile, ni dangereuse. Elle n’est aussi jamais neutre. Ce projet mettra en lumière les résultats produits par les grandes tendances observées; ces résultats exhortent non seulement ceux qui traitent des renseignements de nature délicate, mais également ceux dont les données sont divulguées sur une base quotidienne ou à chaque instant, à porter une attention particulière à l’utilisation des données personnelles. En somme, ce volume vise à attirer l’attention sur des questions pressantes de protection des renseignements, d’équité et de justice.
La surveillance augmente rapidement. Notre nouvelle vie numérique a multiplié de façon spectaculaire les possibilités de surveillance. D’ailleurs, nous pouvons observer facilement cette augmentation dans le quotidien de nos enfants. En constatant à quel point un jeune enfant peut être exposé à la surveillance, on comprend bien que le traitement des données personnelles influence bien des aspects quotidiens de notre vie.
La demande croissante pour un renforcement de la sécurité fait progresser la surveillance. Cette constatation est évidente dans un aéroport, mais elle s’applique également au maintien de l’ordre et à la surveillance en milieu de travail. Or, il n’est pas clair que cette surveillance permet véritablement de mieux nous protéger.
Les organismes publics et privés sont de plus en plus interreliés. Alors qu’auparavant la surveillance était effectuée principalement par le gouvernement ou les corps policiers, grâce au recours accru à la sous-traitance les organismes à but lucratif ont fait leur entrée sur l’échiquier de la surveillance. La quantité de données personnelles recueillies par les entreprises dépasse maintenant celle recueillie par les corps policiers et les services de renseignement. D’ailleurs, le gouvernement obtient et traite maintenant des données personnelles contenues dans des bases de données commerciales, augmentant ainsi considérablement la quantité d’information dont il dispose sur ses citoyens.
Il est de plus en plus difficile de déterminer quelle information est privée et quelle ne l’est pas. Votre nom ou votre numéro d’assurance sociale permettent de bien vous identifier. Qu’en est-il d’une série de photos dans lesquelles vous apparaissez et qui est publiée sur Facebook ou d’une photo de votre plaque d’immatriculation prise par une caméra sur une autoroute? Chacune de ces photos peut être utilisée pour vous identifier ou vous suivre. Par ailleurs, on peut faire ce genre d’identification en combinant différentes formes de données.
L’ampleur de la surveillance mobile et de la géolocalisation s’accroît. De plus en plus d’organismes, des services de police aux responsables-marketing, souhaitent non seulement savoir qui vous êtes (identification) et ce que vous faites (comportement), mais également savoir où vous êtes en tout temps. Nos appareils mobiles augmentent notre visibilité.
Les pratiques et les processus de surveillance se mondialisent. Le Canada est loin d’être le seul pays à connaître une croissance rapide de la surveillance sur son territoire. D’ailleurs, la majeure partie de la surveillance découle de vastes changements aux politiques internationales : par exemple, les transporteurs aériens appliquent des procédures similaires partout dans le monde. Cependant, la façon dont nous faisons face à la surveillance dépend des traditions, des lois et de la culture canadiennes.
La surveillance est maintenant intégrée dans des cadres courants comme les voitures, les immeubles et les maisons. De plus en plus, des appareils permettant de reconnaître les propriétaires ou les utilisateurs – grâce à des technologies comme des commandes vocales ou la lecture d’une carte – sont ajoutés à ces éléments fondamentaux de la vie. Par conséquent, la surveillance se propage de plus en plus, tout en étant moins perceptible.
Le corps humain est de plus en plus utilisé comme source de surveillance. De nos jours, l’utilisation des empreintes digitales, de la lecture de l’iris, de la reconnaissance faciale et des registres d’ADN est courante pour identifier les gens. Notre corps sert de mot de passe et les traces délicates qu’il laisse sont parfois considérées comme étant plus fiables que nos déclarations ou notre historique.
La surveillance sociale s’accroît. Les médias sociaux ont entraîné une multiplication des opportunités et des outils permettant la surveillance numérique. Cette tendance quelque peu différente soulève des questions déroutantes au sujet de la protection des renseignements personnels tout en faisant de la surveillance un phénomène plus normal et moins exceptionnel.
Nous pourrions conclure en disant que les diverses tendances exposées dans cet ouvrage sont simplement inarrêtables, et c’est ce que croient certains. C’est parfois le message que véhiculent clairement les personnes et les organismes qui ont un intérêt direct puisqu’ils ont recours à ces technologies pour traiter de plus en plus de données personnelles en vue de réaliser des profits. On croit entendre l’écho des propos tenus par Scott McNealy de Sun Microsystems il y a une dizaine d’années : de toute façon, la vie privée n’existe pas et il faudra s’y faire.1
Comme nous le montrent les neuf tendances que nous venons d’évoquer, ce conseil est simpliste et biaisé. Les données personnelles utilisées par divers organismes permettent de parvenir à différents résultats, que ce soit pour le meilleur, ou pour le pire. Cependant, en règle générale, le pouvoir organisationnel sur les individus est renforcé par la plupart des pratiques de surveillance. Selon les grands axes de cet ouvrage, nombre de pratiques pourraient maintenant être appelées de la surveillance; la surveillance ne s’entend plus seulement des policiers qui font de l’écoute téléphonique ou de la filature. En rejetant la vie privée, McNealy tire une conclusion simpliste et omet de tenir compte de tout l’éventail des pratiques de surveillance. De plus, il émet une opinion biaisée en tentant de détourner l’attention du pouvoir réel de ces pratiques dans la vie quotidienne de la population.
Nous ne sommes donc pas du même avis que McNealy. Pour toutes les pressions exercées en faveur de l’expansion de la surveillance, il existe une force importante de défense de la vie privée qui pousse dans l’autre direction. Heureusement, au Canada, nous nous sommes déjà dotés d’outils pour résister aux conséquences négatives de ces tendances et pour affirmer et réaffirmer le simple principe suivant : les données personnelles ne sont pas une ressource gratuite que les organismes privés et publics peuvent exploiter comme bon leur semble. Nos vies sont devenues plus transparentes en raison de cette surveillance accrue. Nous devons donc entreprendre des initiatives qui seront axées sur les gens ordinaires dans la vie de tous les jours et qui viseront à accroître la transparence des pratiques de surveillance, surtout de celles qui sont intégrées aux transactions, aux dispositifs et aux cadres qui nous sont familiers.
Ces initiatives requerront toutefois des actions sur plusieurs fronts. Nous ne pourrons freiner la surveillance qu’en adoptant de multiples approches : loi, autoréglementation, éducation, protections technologiques, sans oublier les traditionnelles pressions politiques. Dans certains contextes, il est démontré que les organismes peuvent être forcés de mettre un frein à l’accumulation et au traitement abusif de l’information dont a fait état cet ouvrage, et parfois de faire marche arrière.
Télécharger Vivre à nu: la surveillance au Canada, pour en savoir plus sur la façon dont la surveillance et la gestion de vos renseignements personnels affecte votre vie privée.